Vincent LEFEVRE, fondateur de la centrale d'achat AudioLibre, a eu la gentillesse de se prêter à une brève interview. L'objectif de cet échange est de mettre en lumière ses réflexions et son point de vue sur l'avenir du marché de l'Audition pour les audioprothésistes.

Vincent Lefevre, une expérience reconnue dans le marché de l'audition

Thibault : Bonjour Vincent. Pour nos lecteurs qui ne te connaissent pas encore, pourrais-tu te présenter et nous retracer ton parcours?

Vincent : Diplômé d’HEC, j’ai débuté ma carrière en 2002 chez Johnson & Johnson au sein de la division lentilles de contact où j’ai occupé différents postes opérationnels et stratégiques. J’ai ensuite rejoint le groupe Sonova en 2011, leader mondial dans le marché de l’audition, en prenant la direction générale du groupe en France et en étant président du SNITEM pôle audiologie de 2020 à 2021. J’ai depuis rejoint le groupe OLINT en juillet 2021 en tant qu’actionnaire et directeur général du groupe.

Thibault : Pourquoi as tu choisi de quitter le secteur des industriels?

Vincent : Après 20 ans passés côté fabricants dans un environnement international de groupes leaders dans leurs marchés, je souhaitais à 45 ans appréhender un nouveau challenge personnel et professionnel. La distribution m’est donc apparue comme étant l’opportunité la plus intéressante et adaptée.

Le marché français est en pleine mutation

Thibault : En tant qu'ancien DG de Sonova France, où tu es donc resté 10 ans, quel est ton regard sur l'évolution de notre marché au cours des dernières années, et surtout, quelles sont tes projections pour le futur ?

Vincent : Nous avons en effet vécu de nombreuses évolutions dans notre marché sur ces dernières années, que ce soit la concentration des fabricants, l’arrivée de nouvelles technologies disruptives telles que les appareils rechargeables ou la connectivité, l’implémentation du 100% santé qui a permis de démocratiser les solutions auditives ou encore la verticalisation importante de certains acteurs. Pour le futur, nous pouvons prévoir de nouvelles concentrations à venir concernant les fabricants, des solutions auditives innovantes grâce à l’intelligence artificielle et aux traitements médicamenteux qui semblent prometteurs, ainsi qu’une croissance encore soutenue du nombre de centres d’audition en France.

Thibault : Même question concernant plus particulièrement la distribution et les indépendants en France avec ton regard de DG d’AudioLibre ?

Vincent : Je constate, au travers des dernières publications, que le modèle indépendant reste le plus dynamique en termes de créations. La distribution s’est structurée durant ces dernières années faisant apparaître des modèles économiques différents auxquels peuvent souscrire les indépendants. Ma croyance pour le futur est que les modèles vont vraisemblablement se rationaliser à termes, en deux catégories distinctes : Les indépendants qui communiqueront exclusivement sur leurs noms en bénéficiant au travers de centrales entre autres de conditions, de services et d’accompagnements de qualité pour un coût d’adhésion gratuit, et ceux qui souhaiteront avoir un accompagnement d’enseigne beaucoup plus poussé avec un suivi très personnalisé, un concept magasin, et un coût d’adhésion impliquant compensé par des conditions d’achats très optimisées.

Ma croyance pour le futur est que les modèles vont se rationaliser : Les indépendants bénéficiant des services de centrales, et ceux qui souhaiteront être accompagné d'une enseigne. VL

Thibault : A quel stade se situe le développement du marché de l’audioprothèse ? Quels sont les éléments qui te font dire ça ?

Vincent : Au niveau international, le potentiel de développement paraît plus qu’important sachant que la majorité des personnes malentendantes dans le monde ne sont pas appareillées. En France, le taux d’équipement est aujourd’hui parmi les meilleurs au monde avec les pays d’Europe du Nord. Nous avons encore néanmoins un vrai sujet de stigma qui ne nous permet pas de faire baisser d’une manière drastique l’âge du premier appareillage. La réforme du 100% santé a permis une très forte croissance du marché lors des 2 premières années, avec en 2023 un léger recul des ventes. 2024 devrait à nouveau être une année de transition, avant une année 2025 qui pourrait être en croissance soutenue de par les premiers renouvellements d’appareils achetés en 2021.

Quelles innovations technologiques pour répondre aux défis et opportunités de demain

Thibault : En termes d’innovations, quels sont les enjeux pour le marché de l’audioprothèse?

Vincent : Le traitement du signal dans le bruit reste l’enjeu majeur pour tous. Des puces toujours plus performantes associées à l’intelligence artificielle doivent pouvoir répondre aux besoins d’entendre et comprendre toujours mieux dans des environnements bruyants. Je ne suis pas certain qu’il sera possible d’aller beaucoup plus loin en termes de miniaturisation de par les contraintes mécaniques liées à la conception très complexe des appareils auditifs. La connectivité, quant à elle, est et continuera à être une fonctionnalité essentielle pour les porteurs qui permettra je l’espère un jour de démocratiser pleinement la catégorie.

Thibault : Selon toi, quels sont les défis et les opportunités du marché de l’audioprothèse en France?

Vincent : La réforme du 100% santé a permis l’accès aux solutions auditives à de très nombreux patients qui en avaient besoin. Comme toute réforme, celle-ci s’est parfois accompagnée de pratiques répréhensibles qu’il faut continuer à traquer sans relâche. Nous avons encore de nombreux malentendants qui ne sont pas équipés et il convient de pouvoir les rassurer sur le professionnalisme et les compétences des audioprothésistes. Nous devrons également nous assurer que l’observance continuera à être élevée en France, sachant que notre pays avait jusqu’à la réforme, les indicateurs les plus performants d’Europe.

Audioprothésiste, comment entreprendre ?

Thibault : Alliance Audition propose différents modèles (franchise et co-actionnariat) afin d'aider les jeunes audioprothésistes et même les plus expérimentés, à se lancer. Quels conseils leur donnerais-tu pour cette belle aventure?

Vincent : Il faut bien travailler son projet avant de se lancer, en faisant une étude approfondie de la zone, du potentiel d’activité et élaborer un business plan détaillé et réaliste. Il convient de bien avoir à l’esprit que l’entrepreneuriat est impliquant et nécessite un engagement constant. Le fait de pouvoir s’adosser à des professionnels reconnus de notre métier comme vous l’êtes, peut-être très sécurisant pour se lancer et se concentrer prioritairement sur le métier d’audioprothésiste.

Article rédigé par Thibault Esteves Da Torre.

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