Malgré les avantages apparents que peut offrir le modèle “corner audio dans une boutique d'optique” pour un audioprothésiste, il présente certaines fragilités rarement évoquées. Prestataire, sous-locataire, dépendance vis-à-vis du magasin d'optique, etc., des notions essentielles que nous abordons dans cet article afin que chaque audioprothésiste puisse prendre une décision éclairée concernant l'adoption de ce modèle.

Qu’est ce qu’un corner audio en magasin d’optique ?

Un corner audio est une activité de vente d’appareils auditifs développée le plus souvent au sein d’un magasin d’optique. Il s’agit généralement d’un espace au sein du magasin d’optique, dédié à la prise en charge des personnes malentendantes. Comme pour tout laboratoire d’audioprothèse les normes d’installation (cabine insonorisée, matériel spécifique, etc.) s’appliquent à ce type d’exercice.

Un corner audio peut être géré par un audioprothésiste salarié de l’opticien ou un audioprothésiste indépendant. Dans ce dernier cas, celui-ci rétribue généralement le magasin d’optique, sous forme d’un loyer et/ou d’un pourcentage sur le chiffre d’affaires.

Quel intérêt de créer un corner audio en magasin d’optique ?

Une opportunité réciproque : du point de vue de l'activité optique, ce modèle est très séduisant car il offre la possibilité de se démarquer grâce à des services supplémentaires et de générer des revenus complémentaires. Pour les audioprothésistes, il représente une occasion d'accéder au réseau de l'opticien, favorisant ainsi une croissance plus rapide et rassurante.

La complémentarité des activités audio et optique

Les deux activités paramédicales sont complémentaires. En effet, 90 % des individus qui envisagent le port d'appareils auditifs ont déjà eu recours aux services d'un opticien pour corriger leur vision. Il est donc tout naturel que les activités audio et optique aient une forte synergie.

Un développement plus rapide, plus rassurant pour les audioprothésistes

Lorsqu'un audioprothésiste s'installe, il se trouve confronté, comme tout entrepreneur, à la question cruciale du seuil de rentabilité et aux défis financiers et professionnels qui en découlent. Dans ce contexte, la synergie audio/optique s'avère être une opportunité. Au démarrage, l'audioprothésiste peut tirer avantage de la base de données des patients du centre optique, ce qui lui permet d'espérer développer son activité plus rapidement.

De plus, cet arrangement implique un investissement initial et des charges moindres (et proportionnées) par rapport à un centre auditif exclusif : moins d'aménagements de départ, des frais de location réduits, une réversion au magasin d'optique basée uniquement sur l'activité générée.

Des appareillages plus précoces, plus "faciles"

La patientèle des centres optiques est généralement plus jeune que celle des centres auditifs exclusifs. Les études démontrent que l'âge auquel les personnes optent pour leur premier appareillage auditif se situe autour de 70 à 72 ans. Pourtant, la plupart de ces personnes auraient dû avoir recours à des appareils auditifs bien plus tôt. Les raisons en sont multiples : le coût, des préoccupations esthétiques, et aussi un accès limité au dépistage auditif.

Dans les centres optiques, la mise en place de programmes de dépistage auditif permet d'orienter plus rapidement les personnes ayant des problèmes d'audition vers un spécialiste. Cela signifie que les audioprothésistes en corner audio ont davantage de patients présentant des troubles auditifs naissants, qui sont “plus faciles” à appareiller car ils sont diagnostiqués plus tôt.

Pourquoi créer un corner audio en magasin d’optique peut être un modèle précaire ?

Le modèle "corner audio en magasin d'optique" peut sembler sécurisant si l'on se concentre uniquement sur les revenus d'activités. Pourtant, il comporte plusieurs contraintes qu'il est essentiel de prendre en compte.

Prestataire, sous-locataire du magasin d’optique, un statut d'occupation précaire

Un contrat de prestation de services lie l’audioprothésiste et le magasin d’optique avec pour objet la réalisation de prestations en audioprothèse. Dans ce cadre, l'audioprothésiste peut soit reverser la totalité de ses revenus à l'opticien en échange d'une rémunération, soit facturer directement ses patients et verser un loyer et/ou une commission au magasin d'optique. Par nature juridique, le contrat de prestation est limité dans le temps et/ou révocable par les parties, ce qui signifie que l’audioprothésiste peut être contraint de partir. De plus, les contrats de prestation disposent généralement d’une clause de non concurrence empêchant, le cas échéant, l’audioprothésiste de s’installer à proximité et par extension, de continuer à exploiter le fonds de commerce qu’il a développé.

Quel que soit le modèle juridique d'occupation de l'espace, le lien de "subordination" entre le magasin d'optique et l'audioprothésiste fragilise la viabilité de l'activité créée par l'audioprothésiste.

Le bail de sous-location offre un environnement juridique qui n’est guère plus protecteur. Sa durée est liée à celle du bail principal du locataire principal, le magasin d'optique, et il peut ne pas être renouvelé à la fin de cette période si le locataire principal décide de ne pas le prolonger. De plus, en cas de refus de renouvellement du bail principal par le Bailleur, le sous-Locataire ne peut pas bénéficier du droit direct au renouvellement de son sous-bail prévu en raison de la nature partielle de la sous location (indivisibilité - Cour de cassation 3 ème civ. 11 février 1997). De la même manière que dans le cas du contrat de prestation, cela peut contraindre l'audioprothésiste à quitter les lieux, l'empêchant ainsi de développer son activité et de bénéficier pleinement de son patrimoine professionnel, à moins qu'il ne trouve des locaux proches et soit disposé à y investir financièrement à nouveau.

La patientèle développée par l’audioprothésiste appartient juridiquement au magasin d’optique

La propriété commerciale ou l'existence d'un fonds de commerce est sous-tendue par l'exploitation d'unepatientèle autonome.Une patientèle est considérée comme autonome si elle se distingue de manière significative de celle du magasin d’optique et que la création de la patientèle n’est pas liée aux activités du magasin d’optique. Or, dans la grande majorité des corners audio, ces critères ne sont pas satisfaits.

En effet, la patientèle de l’audioprothésiste est généralement similaire à celle du magasin d’optique, d’autant plus que les activités sont juridiquement considérées comme complémentaires.

De plus, l'audioprothésiste ne peut pas développer son activité sans être dépendant, dans une certaine mesure, du magasin d'optique :

  1. l'espace de travail de l'audioprothésiste est généralement situé à l'intérieur du magasin d'optique et n'a pas sa propre entrée distincte, 

  2. les horaires d'ouverture sont généralement ceux du magasin d'optique,

  3. en cas d'absence de l'audioprothésiste, l'équipe optique prend en charge les patients, effectue parfois des missions de nettoyage, des tests de dépistage et des prises de rendez-vous,

  4. les possibilités de publicité sur le lieu de vente et de visibilité de l’enseigne sont souvent limitées pour l'audioprothésiste dans cet environnement.

En l’état actuel de la jurisprudence, la patientèle n’appartient pas à l’audioprothésiste mais bien au magasin d’optique.

Cession du fonds de commerce du magasin d’optique et valorisation des corners audio

Comment cela se passe si le gérant du magasin d’optique souhaite céder son fonds de commerce à un tiers, voire revêtir une enseigne ayant la double casquette audio/optique ?

D’une part, comme évoqué précédemment, la patientèle considérée comme non autonome appartient au magasin d’optique. Lors de la cession, le magasin d’optique peut valoriser la valeur de son fonds de commerce d’optique, grâce à l’activité d’audioprothèse.

D’autre part, si l’audioprothésiste se retrouve affilié à une enseigne ayant la double casquette, il devient très difficile voire impossible pour lui d’espérer céder son fonds de commerce ; qui au demeurant n’en est pas un sur le plan juridique.

Si l'audioprothésiste dispose d'un bail de sous-location, le nouveau propriétaire ne peut pas le contraindre à quitter les locaux. Cependant, cette protection est valable jusqu'à la date de renouvellement du bail, qui peut être refusé à l'audioprothésiste. À ce moment-là, l'audioprothésiste n'a d'autre choix que d'espérer trouver un local proche pour maintenir sa patientèle. Si le magasin d'optique est repris par une enseigne combinant les deux activités audio et optique, il y a un risque que la patientèle de l'audioprothésiste soit directement récupérée par la nouvelle enseigne.

Certes, ces situations sont peu courantes, mais elles peuvent se produire et doivent être prises en considération par tout audioprothésiste envisageant un projet à long terme.

En raison des risques mentionnés précédemment dans ce modèle, il n'est pas surprenant que la valeur des fonds de commerce des corners audio soit généralement bien inférieure, de l'ordre de 1,5 à 2 fois moins élevée, par rapport à celle des centres audio exclusifs.

Comment maintenir le contrôle d'un corner audio en magasin d'optique ?

Alliance Audition reconnaît l'attrait du modèle du corner audio dans les magasins d'optique. Toutefois, en tant que partenaire des audioprothésistes, elle les soutient pour garantir la pérennité de leur activité et de leur patrimoine professionnel. À cette fin, Alliance Audition a collaboré avec un cabinet d'avocats spécialisé pour trouver des solutions.

Qu’on se le dise, le modèle le plus sûr pour conserver son patrimoine professionnel reste le centre auditif exclusif. Cependant, si le modèle corner audio est envisagé, il existe quelques subtilités afin d’en sécuriser la valeur.

Il est possible d'envisager une collaboration synergique avec un magasin d'optique en maintenant un degré élevé d'indépendance entre les activités audio et optique, tout en incluant des clauses spécifiques dans les contrats qui lient l'audioprothésiste et le magasin d'optique.

Un modèle d'association entre l'audioprothésiste et le magasin d'optique représente une solution viable, car il crée un lien d'intérêt mutuel sur le plan patrimonial. Cependant, comme dans toute association, cela implique une certaine perte de contrôle sur son activité et son patrimoine professionnel.

La location gérance n'a pas été discutée précédemment, mais elle semble être une option encore plus instable. En effet, dans ce cas, l'audioprothésiste est responsable de la gestion et du développement de l'activité d'un corner, dont les limites sont évoquées dans cet article, et qui ne lui appartient pas.

Pour en savoir plus, n’hésitez pas àcontacter l’équipe Alliance Auditionqui saura vous accompagner et vous conseiller quel que soit votre projet.

Article rédigé parAntoine Lorenzi.

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