Le Docteur Fabian BLANC, chirurgien en Oto-Rhino-Laryngologie pédiatrique (ORL), chef de clinique au CHU Gui de Chauliac à Montpellier, nous a fait l’honneur de répondre à nos questions sur les nouveaux critères d’implantation cochléaire chez l’enfant. Cette technique, qui redonne l’audition aux enfants atteints de surdité profonde, connaît aujourd’hui des avancées majeures. À travers cette interview, nous explorons ces évolutions et leurs implications pour les jeunes patients et leurs familles.

Benjamin: Bonjour Dr BLANC. Pour nos lecteurs qui ne vous connaissent pas encore, pouvez-vous vous présenter et retracer votre parcours?
Dr Blanc: Bonjour, je suis le Docteur Fabian BLANC, chef de clinique dans le service du Pr Mondain, dans le département d’ORL de Montpellier. Mon parcours, j’ai été interne ici, j’ai réalisé un Master 2 à l’Institut des Neurosciences où je continue de travailler, en parallèle de mon activité clinique, sur les thérapies géniques et les voies d’abord de l’oreille interne. A l’hôpital, pour l’instant je fais de l’ORL pédiatrique générale puisque je suis encore chef de clinique donc ça correspond aux tâches qui me sont demandées.
Qu'est ce qu'un implant cochléaire et quels sont ses critères d'indication?

Benjamin: Pouvez-vous nous rappeler brièvement en quoi consiste un implant cochléaire et dans quels cas il est habituellement recommandé ?
Dr Blanc: Un implant cochléaire est une solution qui permet de stimuler directement le nerf auditif lorsque l’oreille interne n’arrive plus à fonctionner suffisament. Quand les gains obtenus avec un appareillage auditif conventionnel sont trop faibles, l’implant cochléaire permet aux patients de retrouver des perceptions auditives. Cela concerne donc les surdités sévères à profondes, et chez l’enfant, le but est de le proposer le plus tôt possible, avant 5 ans et dans l’idéal avant 2 ans. En général, en France actuellement, on essaie de proposer un IC autour de l’âge de 1 an.
Benjamin: Quels sont les critères actuels pour être candidat à un implant cochléaire ?
Dr Blanc: Ce sont les patients qui présentent une surdité bilatérale sévère à profonde lorsque les prothèses auditives classiques, qui vont amplifier l’intensité sonore, ne suffisent pas pour développer le langage oral.
Benjamin: Y a-t-il des indications spécifiques pour les enfants par rapport aux adultes, et en quoi ces critères diffèrent-ils entre en fonction de l’âge ? Finalement, c’est lié à l’âge et aux méthodes de test non?
Dr Blanc: Oui, chez l’adulte, les indications sont basées sur des tests de compréhension de la parole, chez l’enfant qui ne parle pas encore, on ne peut pas les faire donc on se base sur l’efficacité de l’appareillage qu’on essaie en première intention. Et lorsqu’on voit qu’il n’y a pas de gain auditif avec les appareils, et pas d’ébauche de développement de langage, à ce moment-là on propose un bilan pré-implantation qui consiste en différents examens d’imagerie, génétiques, d’évaluation orthophonique, audioprothétique, psychologique… et de discussion avec la famille, au sein du centre implant cochléaire.

Quelles sont les innovations et les perspectives dans le domaine des implants cochléaires?
Benjamin: Est-ce que les indications ont évolué au cours des dernières années ? Je pense aux surdités unilatérales ou asymétriques notamment.
Dr Blanc: Ce qui a changé ces dernières années, c’est qu’on a montré que l’âge d’implantation est très important: il faut proposer l’IC le plus tôt possible. Donc l’âge tend à diminuer. De plus, on a de plus en plus d’arguments qui montrent qu’une implantation cochléaire bilatérale offre les meilleurs résultats sur le plan du développement du langage, de la scolarisation, et de la qualité de vie aussi puisque ces enfants auront globalement de meilleurs résultats que si on n’implantait qu’une seule oreille.
Benjamin: Justement, est-ce que la qualité de vie (QdV) au-delà de la seule perte auditive est prise en compte dans la décision d'implantation ? Parce que chez l’adulte c’est mesuré facilement, mais chez l’enfant, on passe par les parents ?
Dr Blanc: C’est tout à fait possible de mesurer la QdV chez l’enfant, quand ils sont tout petits il y a des questionnaires qui sont validés en utilisant l’appréciation des parents et puis après à partir de 6 ou 8 ans les questionnaires sont adaptés à l’âge de l’enfant avec pour thème des questions générales ou plus axés sur les conséquences de la déficience auditive. Différentes études ont montré que les enfants recevant un IC peuvent avoir une très bonne QdV.
Pourquoi l’équipe pluridisciplinaire est essentielle à la réussite d'un implant cochléaire?
Benjamin: Quel est le rôle de l’équipe pluridisciplinaire dans la prise en charge des enfants implantés, depuis l’évaluation initiale jusqu’à la réhabilitation ?
Dr Blanc: L’implant cochléaire chez l’enfant nécessite l’intervention d’une équipe pluridisciplinaire, essentielle à la fois pour l’évaluation avant l’implantation et pour le suivi. Avant tout, il faut vérifier, avec l’audioprothésiste, que l’appareillage auditif classique a été optimisé au maximum. Ensuite, les orthophonistes jouent un rôle clé pour évaluer le développement du langage et la qualité de la production orale. Une évaluation psychologique est également nécessaire, non seulement pour l’enfant, mais aussi pour les parents, car ce parcours peut être émotionnellement exigeant. Certains enfants présentent des troubles associés, comme des problèmes d’équilibre, ce qui peut impliquer une rééducation avec des kinésithérapeutes ou des psychomotriciens. Toute cette équipe contribue aussi au suivi après l’implantation, car il faut rappeler qu’un implant cochléaire ne restaure pas une audition normale. Un accompagnement intensif et continu est donc indispensable pour maximiser les bénéfices de l’implant."
Innovations et perspectives

Benjamin: Y a-t-il des innovations récentes qui ont amélioré l’efficacité et les résultats des implants cochléaires ?
Dr Blanc: Actuellement on travaille sur des améliorations des techniques chirurgicales, notament des insertions atraumatiques du porte électrode. Les robots chirurgicaux se développent aussi, ils permettent de réaliser l’insertion de façon très lente, à vitesse contrôlée et avec un angle d’insertion maîtrisé dans le but de préserver au maximum les structures anatomiques. Les implants cochléaires évoluent aussi, avec différents design d’électrodes, personnalisés, moins traumatiques pour l’oreille interne. La partie visible de l’IC change également, est plus discrète, et les logiciels embarqués sont plus performants dans le traitement du son.
Benjamin: Quelles sont les perspectives futures dans le domaine des implants cochléaires, en termes de critères d’indication et de développement technologique ?
Dr Blanc: Concernant les indications, la tendance est à la diminution de l’âge à l’implantation, et la réalisation d’une implantation bilatérale d’emblée. Il sera passionnant d’évaluer à long terme les bénéfices pour les patients. Il reste aussi à préciser l'intérêt d’un IC dans le cas des surdités unilatérales chez l’enfant. Sur le plan technologique, comme je l’ai dit, on travaille sur des insertions douces, individualisées à chaque patient. Dans le futur on espère avoir des dispositifs capables de délivrer directement des médicaments afin de préserver l’oreille interne et limiter la fibrose induite par la présence de l’électrode. A plus long terme, les pistes seraient de travailler sur de nouvelles techniques de stimulation du nerf auditif avec éventuellement de la stimulation lumineuse grâce à l’optogénétique.
Benjamin: Merci, Fabian pour ces explications claires et détaillées sur ce sujet qui nous permet de mieux comprendre les avancées récentes et les enjeux que représentent une implantation cochléaire pour les jeunes enfants et leurs familles. Je note de nouvelles perspectives très prometteuses. Merci encore pour cet échange enrichissant.
Dr Blanc: Merci à toi, ce fut un plaisir d’échanger.
Article rédigé parBenjamin Chaix.
Audioprothésiste D.E - Membre du Collège National d'Audioprothèse
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