Lorsque Oticon m'a invité à Copenhague pour découvrir le Zeal dans son usine, j'avoue être arrivé avec une certaine réserve. Nous avons l’habitude de voir défiler des lancements "révolutionnaires" chaque année, et la promesse d'une aide auditive "invisible avec toutes les fonctionnalités" semblait relever du vœu pieux. Après deux jours d'immersion technique et d'échanges avec les équipes R&D, force est de constater que le Zeal mérite qu'on s'y attarde. Non pas qu'il soit parfait, mais parce qu'il répond concrètement à un problème que nous rencontrons tous au quotidien : faire franchir le pas à ceux qui refusent de porter un appareil auditif visible. Je vous livre sans détour mon avis, non sponsorisé.

Un frein psychologique levé

On le sait, la stigmatisation reste encore un des premiers obstacles à l'appareillage, particulièrement chez les primo-accédants. Oticon l'a bien compris en développant le Zeal comme "l'aide auditive complète la plus discrète au monde", “sans compromis”. Lors de leurs tests, 94% des utilisateurs ont jugé l'appareil invisible ou quasi invisible. Ce positionnement n'est finalement pas qu'un argument marketing. L’équipe d’audiologistes sur place nous l’a fait essayer. Sur la trentaine d’audioprothésistes présents, je dois reconnaître que globalement, l’appareil était plutôt bien inséré dans le conduit. J’ai même été surpris par le confort physique, je m’attendais à quelque chose de bien plus inconfortable au vu de sa forme un peu moins profilé sur le plan anatomique qu’un Silk de la marque Signia par exemple. Les audioprothésistes plus anciens auront d’ailleurs reconnu une forme proche de la tentative de Phonak sur ce segment avec le ZIP dans le début des années 2010.

Le format NXT In-the-Ear (next), intermédiaire entre le CIC et l'ITC, est pensé comme une nouvelle catégorie d’aide auditive en offrant un équilibre pertinent. Il est suffisamment compact pour disparaître dans l'oreille, tout en ayant l'espace nécessaire pour embarquer une technologie avancée. L'astuce du fil d'extraction qui fait également office d'antenne illustre l'ingéniosité de la conception, mais attention, “il ne faut pas la couper”.

Une prouesse technique indéniable

Ce qui impressionne avec le Zeal, c'est l’intégration et la miniaturisation de la plateforme Sirius™. Oticon a réussi à intégrer le même processeur avec la même IA de 2e génération (Deep Neural Network 2.0) que sur leurs modèles RIC Intent, dans un volume très restreint. Et pour avoir vu comment ils assemblent le tout, on comprend vite aussi pourquoi l’usine LEGO est également Danoise : ils aiment les défis et les puzzles. Car oui, contrairement à d’autres fabricants qui achètent leur puce tout prête, dans le cas de Zeal comme du reste d’ailleurs, Oticon a le mérite de tout concevoir de A à Z (sauf l’impression des microprocesseurs qui est décentralisée). Le procédé d'encapsulation à base d’epoxy, inspiré des pacemakers, aboutit à un boîtier monobloc IP68, qui je pense, est un vrai gage de fiabilité sur le long terme. Ca ne parait pas, dit comme ça, mais c’est aussi une réelle innovation ; il a été complexe de trouver un moule adapté à cette méthode permettant d’éviter notamment la formation de bulles d’air lors du remplissage par la résine.

Les performances audiologiques annoncées sont au rendez-vous et déjà connues avec Intent : amélioration de la clarté de parole jusqu'à +6 dB grâce à l'IA, réduction du bruit diffus jusqu'à 12 dB en condition d’occlusion (Vatti et al. 2025). La philosophie BrainHearing™, qui privilégie un environnement sonore ouvert à 360° plutôt qu'une focalisation étroite, trouve tout son sens dans ce format. Le positionnement du microphone dans la conque permet de conserver les indices directionnels naturels, compensant l'absence de double microphones.

La connectivité enfin démocratisée ?

Le Zeal est le premier appareil auditif intégrant Google Fast Pair, et cette nouveauté n'est pas anodine. L'appairage instantané aux smartphones Android simplifie radicalement l'expérience utilisateur (et pour les audios aussi, on approche les appareils du smartphone, un popup apparaît pour connecter les appareils), un segment souvent négligé par rapport aux solutions iOS. Ajoutez à cela la compatibilité Auracast™ pour les diffusions audio publiques, et vous obtenez un appareil résolument tourné vers l'avenir.

L'autonomie de 20 heures est très correcte pour le format, et la charge rapide de 15 minutes répond aux usages modernes. De plus, le coffret chargeur portable offre trois recharges autonomes ; c’est un vrai plus pour les déplacements.

L'instant-fitting : un game changer clinique

Selon Oticon, c'est probablement l'innovation la plus pertinente du Zeal. “‘La possibilité d'appareiller un patient dès la première visite, avec des embouts dômes standard, puis d'opter pour du sur-mesure ultérieur si nécessaire. Pour les audioprothésistes, cela signifie plus de flexibilité et d'efficacité. Pour les patients, notamment les primo-accédants, c'est la gratification immédiate d'entendre mieux dès le premier jour.” 

Même si je ne partage pas vraiment cette vision (je pense que le patient doit bénéficier d’un temps de réflexion, etc.) cela permet de proposer un appareil qui balaye rapidement les préjugés liés à la stigmatisation en étant effectivement immédiatement disponible à l’essai. 

J’ai aussi été très rassuré de voir que l’on pouvait adapter des embouts sur mesure. Les dômes standards montrent très souvent leurs limites dans les situations complexes à cause de leur masse acoustique trop faible. En revanche, il s’agit d’un embout en fond de conduit donc j’attends de confirmer en pratique l’efficacité et la qualité du maintien (absence de rotation notamment). Un embout type coque évidée dans lequel on clip le Zeal aurait été plus pertinent à mon sens, mais il pose problème pour le contact lors de la recharge. 

Les limites à garder en tête

La personnalisation anatomique est très limitée

Le microphone unique peut limiter les capacités de directivité comparé à un RIC avec double microphone, bien que cela soit contrebalancé par la directivité naturelle du pavillon. 

Comme pour un intra CIC classique, la plage d’application, bien que large (pertes légères à moyennes-sévères jusqu'à 70-75 dB), ne conviendra pas aux pertes sévères à profondes

La position ainsi que la longueur de l’antenne n’est pas modifiable et assez visible (“il ne faut pas la couper !”). 

Un produit qui répond à un besoin réel

Après cette immersion chez Oticon, je retiens surtout que le Zeal comble un vide : celui d'une aide auditive invisible, rechargeable, technologiquement avancée au même niveau qu’un RIC, sans compromis majeur sur les fonctionnalités et la connectivité. Les autres fabricants proposaient jusqu'ici soit de la discrétion sans connectivité, soit de la connectivité mais visible (ITC ou RIC).

Le pari d'Oticon est de prouver qu'on peut désormais avoir les deux. Si les tests cliniques confirment les annonces et si l'expérience utilisateur tient ses promesses sur le long terme, le Zeal pourrait effectivement convaincre cette frange de patients qui reportait l'appareillage "jusqu'à vraiment en avoir besoin". Et c'est peut-être là le véritable succès : faire entrer dans le parcours de soins des personnes qui en restaient à la marge.

Article rédigé parBenjamin Chaix.
Audioprothésiste D.E - Membre du Collège National d'Audioprothèse

Références

Vatti et al. (2025). Oticon Zeal evidence. Oticon Research Brief. 

Continuez la lecture

Ce site utilise des cookies. En savoir plus