En 2025, l’Enseignement Post-Universitaire de Lyon a rassemblé les audioprothésistes autour d’une question simple : comment faire évoluer nos pratiques pour que les réglages reflètent davantage les situations d’écoute réelles, et en particulier l’écoute dans le bruit ? Loin de se limiter à des rappels théoriques, les interventions ont abordé les multiples spécificités de la Mesure In Vivo (MIV), le choix du matériel vocal, les tests dans le bruit, la prise en charge des Troubles du Traitement Auditif (TTA) et quelques points juridiques clés, toujours avec un ancrage fort dans la pratique de tous les jours.

Pour les équipes Alliance Audition présentes sur place, cet EPU 2025 s’est distingué par un fil rouge clair : mieux objectiver ce que nous faisons au quotidien – et parfois ce que nous faisons de façon intuitive – pour sécuriser nos réglages et mieux comprendre certains profils de patients, notamment ceux qui restent très gênés dans le bruit. Les échanges avec les intervenants et les confrères ont permis de confronter la théorie aux réalités de terrain : contraintes de temps, choix des outils, intégration des tests dans le parcours patient, articulation avec les autres professionnels de santé.

C’est dans cet esprit que nous proposons ce retour sur l’EPU de Lyon : non pas un compte rendu exhaustif, mais une sélection de points qui peuvent alimenter la réflexion et inspirer des ajustements concrets en centre, dans la continuité des valeurs d’Alliance Audition : innovation, expertise et bienveillance au service de la prise en charge.

MIV et matériel vocal : mieux objectiver nos réglages

Lors de cette édition, la Mesure In Vivo (MIV) a été une nouvelle fois rappelée comme un pivot incontournable de la base de réglage. Elle permet d’optimiser le gain délivré par l’appareillage auditif en tenant compte à la fois des caractéristiques du matériel, de nos pratiques audiométriques ou encore des particularités anatomiques du conduit auditif de chaque patient. Il s’agit de s’assurer que le signal qui arrive au tympan est cohérent avec ce que l’on cible. La MIV ne remplace pas les tests d’évaluation subjectifs, mais elle évite de bâtir ces évaluations sur une base acoustique incertaine.

Le choix du matériel vocal s’inscrit dans la continuité de cette démarche. Pour l’ajustement des aides auditives, les intervenants ont recommandé de privilégier des listes de mots monosyllabiques, voire des logatomes, afin d’évaluer la compréhension sur un versant analytique, en limitant la suppléance mentale. Une fois les réglages stabilisés sur cette base, l’utilisation de mots signifiants ou de phrases permet d’explorer une dimension plus cognitive de l’écoute : capacité à exploiter le contexte, à gérer la charge attentionnelle, à s’appuyer sur le langage. Ces éléments peuvent contribuer à décider d’ajuster encore les réglages aux différentes situations d’écoute ou, dans certains cas, d’orienter le patient vers d’autres professionnels pour une prise en charge plus globale.

Dans le bruit, le raisonnement reste similaire : l’idéal est d’utiliser du matériel vocal monosyllabique ou en logatomes pour garder une évaluation analytique. Le recours à des phrases courtes tirées de matériels validés (FRASIMAT, SoNoise, etc.), assurent une excellente reproductibilité mais n'excluent pas totalement le recours à la suppléance mentale. En revanche, elles permettent en amont de situer son patient par rapport à une norme. 

Patients gênés dans le bruit : TTA, pistes et questionnements

Les échanges autour des Troubles du Traitement Auditif (TTA) et des difficultés dans le bruit ont mis en lumière un profil de patient que beaucoup d’audioprothésistes reconnaîtront : une audiométrie tonale et vocale en silence dans les normes, mais une gêne majeure dès que l’environnement sonore devient complexe. À rapport signal/bruit équivalent, certains de ces patients présenteraient des performances nettement dégradées dès que le niveau général augmente.

Face à ces situations, plusieurs pistes sont discutées, notamment l’atteinte de certaines populations de fibres nerveuses engendrant un phénomène de saturation du système auditif. À ce stade, il ne s’agit pas de réponses définitives, mais ces hypothèses rappellent que la plainte dans le bruit ne peut pas être réduite à un simple « abaissement des seuils » ou à un réglage de gain. Elles invitent à considérer ces patients comme des profils à part entière, nécessitant une approche plus fine que le seul couple audiogramme / vocal en silence et même vocale dans le bruit à RSB et niveau constant.

Du point de vue de la pratique en centre, deux axes exploratoires ont été mis en avant :

  • tester l’impact d’un abaissement du niveau global de perception dans le bruit, pour évaluer si une réduction du niveau sonore global peut limiter la saturation du système auditif et améliorer le confort d’écoute, même à RSB identique ;

  • examiner de près les asymétries de MCL, parfois marquées, qui pourraient contribuer à certaines difficultés de compréhension dans le bruit et justifier des ajustements spécifiques ou une réflexion sur la stratégie d’appareillage.

Ces pistes ne constituent pas encore des protocoles établis, mais elles offrent des points d’appui pour enrichir le raisonnement clinique, notamment en ne s’arrêtant pas à la normalité apparente des tests de base lorsque la plainte dans le bruit est forte et cohérente, et en envisageant, lorsque c’est pertinent, une orientation vers d’autres professionnels dans une logique de prise en charge pluridisciplinaire.

L’éclairage de Benjamin Chaix : dB HL versus dB SPL et comment améliorer l’écoute dans le bruit

L’intervention de Benjamin Chaix lors du workshop, membre actif du Collège National d’audioprothèse, a apporté un éclairage et des révisions utiles sur le lien entre dB HL et dB SPL. Il a rappelé la distinction entre le dB HL, utilisé pour le diagnostic et l’audiométrie tonale, et le dB SPL, qui correspond au niveau de pression acoustique réellement délivré au tympan. Pour le Collégien, le travail quotidien s’inscrit à l’interface de ces deux référentiels : partir d’un diagnostic en dB HL, puis raisonner en dB SPL après conversion pour ajuster les réglages..

Dans une seconde conférence, en session plénière cette fois, Benjamin à également revisité différents leviers d’amélioration des performances dans le bruit : optimisation de la MIV, choix et réglage des algorithmes des appareils, utilisation réfléchie des tests dans le bruit, prise en compte de la dimension cognitive de l’écoute et cohérence du choix du matériel vocal avec l’objectif clinique. L’enjeu : articuler diagnostic, réglages et tests de suivi dans un cadre cohérent, centré sur les situations d’écoute réelles du patient.

Cadre juridique : ne pas perdre de vue l’essentiel

Les aspects juridiques abordés lors de l’EPU ont rappelé un point important : il n’existe, à ce jour, aucune obligation légale d’étalonnage annuel des audiomètres. Il s’agit davantage d’une recommandation portée par les fournisseurs et par la recherche de bonnes pratiques que d’une contrainte réglementaire stricte. Cette précision ne remet pas en cause l’intérêt de l’étalonnage régulier, qui reste un levier de qualité et de crédibilité vis-à-vis des patients comme des confrères, mais elle permet de distinguer clairement ce qui relève du cadre légal et ce qui relève de la démarche qualité volontaire.

Enfin, la réflexion autour de la création d’un ordre professionnel a été évoquée comme une évolution structurante possible pour la profession. Un tel ordre aurait notamment pour vocation d’ancrer encore davantage l’audioprothésiste dans le champ des professions de santé, de définir et faire vivre un code de déontologie commun, et de renforcer la protection des patients comme des praticiens en clarifiant droits, devoirs et limites de chacun.

Ce qu’Alliance Audition retient pour la pratique quotidienne

À la lumière de cet EPU 2025 à Lyon, plusieurs axes se dessinent clairement pour la pratique quotidienne en centre d’audioprothèse :

  • Faire de la MIV un réflexe de base : intégrer la Mesure In Vivo comme étape centrale de la base de réglage, afin d’objectiver au mieux les résultats. Cela permet notamment une meilleure gestion des niveaux de compression, ainsi que de l’écrétage grâce à des mesures comme l’EUHA MPO (ISTS à 55dB suivi de tones bursts à 90dB) qui permet de caler votre MPO en dessous des UCL mesurés de votre patient.

  • Aligner le choix du matériel vocal avec l’objectif clinique : s’appuyer sur la mesure de la compréhension sur le versant analytique(monosyllabes, logatomes) pour l’ajustement fin de l’appareillage, puis utiliser des mots signifiants ou des phrases – en silence comme dans le bruit – pour explorer la dimension cognitive de l’écoute et situer le patient par rapport à des normes lorsque le matériel le permet (FRASIMAT, SoNoise, etc.).

  • Porter une attention particulière aux patients gênés dans le bruit : ne pas se laisser rassurer trop vite par des audiométries « dans les normes » lorsque la plainte dans le bruit est forte et cohérente, analyser les MCL (et leurs éventuelles asymétries) et envisager une approche pluridisciplinaire quand cela s’y prête.

  • Rester vigilant sur le cadre juridique et déontologique : distinguer ce qui relève de la loi (absence d’obligation d’étalonnage annuel) de ce qui relève de la démarche qualité, et suivre avec attention les réflexions autour d’un éventuel ordre professionnel, qui pourrait structurer davantage la déontologie et la protection des patients comme des praticiens.

Pour Alliance Audition, ce retour d’EPU confirme une conviction forte : les congrès n’ont de sens que s’ils nourrissent des évolutions concrètes en centre, au service d’une prise en charge exigeante, bienveillante et centrée sur les situations d’écoute réelles des patients.

Article rédigé parBenjamin Chaix.
Audioprothésiste D.E - Membre du Collège National d'Audioprothèse

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